DIVAGATIONS #4 - ALIEN ROMULUS
Je divague peut-être, mais j’ai tiqué en regardant Alien Romulus l’autre jour.
Après 2 films sous la tutelle du père originel Ridley Scott, la saga Alien est reparti de l’avant, loin des ambitions prequelesques de Prometheus (2012) et Alien Covenant (2017), pour un retour aux sources. Situé entre Alien (1979) et Aliens (1986) aussi bien dans la timeline que dans le style et le ton, Alien Romulus n’en n’oublie pourtant pas le passé.
Malgré son accueil et sa place contestée dans la mythologie de la saga, notamment dû à son manque de cohérence et de finalité (coucou Covenant), Prometheus s’est fait une place de choix dans le nouvel opus de Fede Álvarez. Il y a déjà le titre, Romulus, référence quasi mythologique à la fondation de Rome qui fait le lien avec les ambitions mystiques de Ridley Scott. Il permet également d’afficher les ambitions de la Weyland-Yutani, refonder son empire spatiale sur de nouvelles bases, en plus de mettre au cœur du film la relation fraternelle : la station Romulus/Remus mais également Rain/Andy ainsi que Tyler/Kay.
Mais c’est bien plus tard que le film dévoile cet atout qui trainait dans sa manche avec son MacGuffin : le sérum noir du film Prometheus, agent mutagène clé d’une nouvelle étape de l’évolution humaine selon Rook. La diégèse affirme que le fluide vient du xénomorphe du premier film, mais l’image et les dialogues confirment la filiation : il s’agit bien du même fluide vu dans les prequels, servant aux expérimentations de David dans Prometheus puis à l’extermination des Ingénieurs dans Alien Covenant.
I’ve turned it into the miracle Mr. Weyland died searching for. Prometheus Fire.
Et comment ne pas parler de The Offspring (pas de réelle traduction désolé), créature de cauchemar entre le xénomorphe et l’Ingénieur. Au delà de son design aussi génial que cauchemardesque, sa genèse n’est pas sans rappeler le destin d’Elisabeth Shaw de Prometheus, enceinte et infectée elle aussi par le fluide noir avant de mettre au monde, par accouchement et non par césarienne cette fois ci, la sinistre créature.
Mais vous me connaissez je ne serai pas là à divaguer pour une filiation aussi assumée et évidente. Non je suis là parce que très tôt dans le film un détail m’a fait tiquer, presque ricaner même, connaissant bien Ridley Scott.
Alors que notre équipage s’envole à bord du Corbelan pour la station Romulus, au milieu de l’excitation et de l’appréhension, on peut remarquer que Navarro fait un semblant de prière avant d’embrasser son pendentif. ET DEVINEZ QUI QUI C’EST QUI MEURT EN PREMIER PAR LA SUITE ???
Gagné, c’est bien Navarro est la première victime du film, succombant à un chestburster comme il était de tradition dans Alien et Aliens. Et dès mon premier visionnage je me suis dis à cet instant “Oh toi, tu vas y passer la première”, d’un air amusé mais sans trop y croire… Puis s’est rappelé à moi le bon souvenir des précédents films de la saga et face à la posture nihiliste que Ridley Scott traine tel son spleen, ou plutôt sa misanthropie, depuis ses dernière années. Si cela a permis d’accoucher de franches réussites comme The Last Duel (à mon sens le dernier grand film de Ridley), son discours anti-religieux finissait par être caricatural et même risible, avec le sommet de dissonance Exodus: Gods and Kings et bien loin de la maestria d’un Kingdom of Heaven.
C’est d’autant plus fascinant que cette séquence est la seule à s’engager de près ou de loin sur la religion : pas de chestburster posant en croix, pas de capitaine dont le seul trait de personnalité est un délire de persécution lié à sa foi, pas de grand discours sur ce que nous choisissons de croire. Pas même de crucifix, Navarro portant un anneau en lieu et place … j’en suis à la fois admiratif et abasourdi :
Admiratif de voir comment ce grand cheval de bataille a été non seulement contenu à une seule scène, mais intégré de manière organique et convaincante à l’intrigue
Abasourdi de voir que même après l’impasse narrative de Prometheus et Covenant et le désastre Exodus, Ridley persiste et signe, même depuis sa chaise de producteur
Plein d’autres petits clins d’œil sont disséminés ici et là lors de l’aventure, comme l’introduction de l’héroïne par un rêve, la relation changeante de bienveillante à ambivalente avec l’androïde du film, Andy en lieu et place de David. Mais cette prière reste gravé dans ma rétine comme un signe avant-coureur : bien avant le feu prométhéen, la Genèse selon Ridley n’était pas totalement abandonnée sur les chemins qui mènent à Rome.